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Le tour du monde de Sodebo en 5 actes - Nautique / Foxoo
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Source : #6201 Publié le 25/03/11 | Vues : 51

Le tour du monde de Sodebo en 5 actes / Nautique


Onze semaines après avoir bouclé la Route du Rhum avec un podium, Thomas Coville repart en mer à bord de Sodebo pour une troisième tentative de record autour du monde en solitaire. Top départ samedi 29 janvier 2011 à 12h07mn 28s (HF) devant le phare de Créac'h à Ouessant, et d'emblée des conditions sportives et spectaculaires ! Dans une survente et la mer bouillonnante de la Pointe Bretagne, les trois coques de Sodebo se soulèvent dans ce que le skipper appelle quelques minutes plus tard à la VHF : "un petit planté". La figure de style laisse pourtant bouche bée l'équipe de tournage qui vient d'enregistrer la scène en direct depuis l'hélicoptère. Et tandis que ces images font le "buzz" sur la toile, Tom dévale déjà les vagues à travers le Golfe de Gascogne qu'il classe au rang des formalités.



ACTE I - L'Atlantique Nord de tous les contrastes : descente express et Pot au Noir qui colle

* En 20h au Cap Finisterre, en 3 jours aux Canaries et en 4 au Cap Vert !
En moins d'une journée, Thomas vire le Cap Finisterre et laisse l'Europe derrière lui. Le trimaran de 32 mètres descend à plus de 20 noeuds de moyenne dans l'alizé portugais. Après un bel empannage au large de Madère, Sodebo surfe en bordure Est de l'Anticyclone des Açores et croise au large des Iles Canaries le 1er février 2011. Il est parti depuis seulement trois jours. Avec 585 milles parcourus la journée suivante, la fusée passe à 80 milles dans l'Ouest de l'Archipel du Cap Vert.

* Un Pot au Noir intransigeant
Mais voilà, l'équateur se mérite et il faut franchir sa sentinelle. La zone de convergence intertropicale baptisée Pot au Noir s'avère impitoyable, contraignant le skipper à manoeuvrer sans cesse sous un chapelet d'énormes nuages orageux. Tom bataille comme un fou pour s'extirper de grains violents qui coûteront la vie à trois lattes de grand voile, brisées dans un empannage et remplacées dans l'heure au prix d'une bonne suée. Entré dans le "Pot" avec 120 milles d'avance, Sodebo coupe finalement l'équateur le 5 février 2011 en 7 jours 2h et 27mn avec 9 heures et 27 minutes de retard sur Idec. Désormais en chasse, Thomas reprendra la tête de cette course poursuite virtuelle six semaines plus tard, le 13 mars 2011 en fin de journée, le long des côtes du Brésil au terme d'une remontée menée à belle allure.

Acte II - Crucial Atlantique Sud

* 1000 milles dans l'Ouest, 1000 milles en plus et au final 1000 milles d'écart à Bonne Espérance
Peu après son plongeon dans l'hémisphère Sud, Thomas négocie âprement un anticyclone de Sainte-Hélène étalé depuis plusieurs semaines au beau milieu de l'Atlantique. Les marins de la Barcelona World Race comme l'équipage du trimaran de records Banque Populaire V se sont eux aussi cassés les dents sur Sainte-Hélène peu de temps avant le skipper de Sodebo. Néanmoins, l'espoir de l'affaiblissement de l'anticyclone qui ouvrirait un passage persiste. En attendant, Sodebo part flirter avec les côtes brésiliennes. En contournant la pétole, il allonge logiquement sa route. Le skipper passera 1000 milles plus à l'Ouest que Francis Joyon qui avait pu "couper le fromage" trois ans plus tôt.

Mais la porte s'ouvre enfin ! Le 11 février 2011, la dream team des routeurs de Sodebo, appelle Thomas pour lui dire : "Empanne immédiatement, tu peux faire de l'Est, c'est bon." Le skipper s'exécute et accroche, en s'engouffrant dans un véritable "trou de souris", un flux de Nord-Ouest de 30-35 noeuds en avant d'un front très actif qui emmène le trimaran plein Est, vers les Quarantièmes et la latitude du Cap de Bonne Espérance qu'il atteindra quatre jours plus tard, le 15 février 2011 en 17 jours 5h et 54 mn. Avec 8405 milles parcourus depuis le départ à la vitesse moyenne de 20,31 noeuds, le trimaran pointe ses étraves dans l'Indien avec 1 jour 22h et 41 minutes et 1151 milles de retard sur le détenteur.

Acte III - Un Indien engagé

* Le choix
Sous la pointe de l'Afrique, les routages indiquent le Sud mais le spectre des glaces repérées par CLS, le partenaire de Sodebo qui observe leurs mouvements et leur densité, contraint le skipper à emprunter une route au Nord. Pour Tom et ses routeurs, c'est l'heure des choix. La situation météo s'annonce défavorable à court terme. Faut-il continuer l'aventure ou est-il raisonnable de renoncer ? Le skipper solitaire a de l'expérience. Il connaît bien l'épreuve de force et de résistance que représente la course contre le chrono dans des conditions éprouvantes humainement et techniquement.

Porté par son équipe, Tom décide de continuer malgré le menu des jours suivants où il devra se coltiner du près dans une mer infernale sur le plateau des Crozet et jusqu'aux Kerguelen. Tom se fixe alors un contrat : avoir moins de 1000 milles de retard sur Francis au Cap Horn ! Son acharnement et sa ténacité seront récompensés par une surprise de taille : un échange par radio VHF avec l'équipage vendéen d'un bateau de pêche breton en campagne depuis plusieurs semaines dans cette région dépeuplée, particulièrement hostile et visiblement très poissonneuse.

* Sud Kerguelen !
Dépression colossale au Nord des Kerguelen, des vents de 50 noeuds, des vagues supérieures à 10 mètres... Toute navigation dans la région est impensable. Devant Tom, la situation est complexe avec une nouvelle zone de glaces qui s'étale dans l'Est de l'archipel. L'unique possibilité consiste à plonger au Sud pour passer sous les îles (option rarissime sur un tour du monde) et donc sous les glaces. Le skipper met le cap vers les Cinquantièmes Hurlants, naviguant plusieurs jours et pour la première fois de sa vie dans une eau à moins de deux degrés... En passant sous le vent de l'Ile Heard, au milieu de l'Indien mais surtout au milieu de nulle part, Thomas subit un effet de Foehn, sorte de tempête polaire qui dévale la falaise en un éclair. La nature lui offre alors une vision irréelle qui vaut tous les voyages : l'atmosphère est étrange, le ciel devient vert, c'est une aurore australe !

* Un Indien dur à cuire
Le 23 février 2011 après 25 jours 2h et 32s en course, Sodebo franchit le Cap Leeuwin (pointe SO de l'Australie) avec 2 jours 10 heures et 32 secondes et 1194 milles de retard sur Idec, un chiffre qui dès lors ne fera que diminuer. Tom affiche des moyennes toujours supérieures à 20 noeuds. Deux jours plus tard, il fait son entrée dans le Pacifique. Il aura mis 9 jours 22h et 45 mn entre le Cap des Aiguilles (Afrique du Sud) et le Sud de la Tasmanie. Le record de l'Indien reste néanmoins entre les mains de Francis Joyon pour une petite dizaine d'heures. Les marins qui savent de quoi ils parlent et suivent attentivement le voyage de leur "confrère", expriment leur admiration pour cette traversée réalisée pour les deux tiers au près puis au reaching au coeur d'un océan particulièrement sauvage.

Acte IV : Pacifique musclé et glacé !

La météo demeure encore complexe pour ce qui est de la traversée du plus vaste des océans du globe. Le record se joue désormais au portant ! Thomas poursuit son grand saut dans le Sud et descend jusqu'à 58°S, accrochant un à un les trains dépressionnaires très actifs, notamment la fin du cyclone ATU qui a balayé la flotte de la Barcelona World Race et laisse derrière lui un vent et une mer franchement pas commodes. Le skipper avance tout en épargnant son bateau. La route est encore longue. On est à mi-chemin.

* Plus facile à dire qu'à faire
La société CLS qui suit de près le record de Sodebo a délimité une nouvelle zone de glaces, longue cette fois de 2000 kilomètres, qui impose au Trinitain de remonter par 51° Sud. Sur la fin de ce contournement par le Nord, les conditions poussent Thomas à entrer et à naviguer pendant quelques heures dans la zone de dangers. Son radar signale par deux fois la présence d'icebergs dans un rayon de 5 milles... Le marin serre les fesses. Il ne dort plus, lutte pour ne pas s'assoupir. Malgré le froid polaire qui pince et qui pique, il veille à l'extérieur, la peur au ventre. Il reste des heures sur le qui-vive allant jusqu'à ralentir son bateau au cas où.

Le maxi trimaran navigue alors dans 40 noeuds de vent et passe. Son skipper oublie rapidement l'angoisse qu'il vient de vivre et qu'il laisse dans son sillage en accrochant une nouvelle dépression qui l'emmène vers l'extrême Sud du continent sud-américain. Mais les éléments n'en ont pas fini avec lui. Dans la nuit du 7 au 8 mars 2011, à quelques heures du Horn, le marin affronte son dernier "coup de chien" avec des rafales à plus de 50 noeuds. Par instinct, Tom prend un troisième ris dans la grand voile juste avant le "gros" de la tempête, "de nuit dans ces conditions je me sentais tout petit, par réflexe j'ai réduit la toile. Cela doit être l'instinct de survie." Ce jour là, comme il le dit "j'ai sauvé ma peau."

* 666 milles au Horn : objectif plus qu'atteint !
A force d'engagement, de concentration H24 et d'une détermination hors du commun où il a rappelé son plaisir de naviguer et de manoeuvrer cet engin de course taillé pour lui, Thomas remplit plus que largement l'objectif fixé. Celui qui voulait passer sous la barre des 1000 milles de retard ne concède que 666 milles à Francis Joyon quand il se présente le long des falaises du Cap Horn ! Le mardi 8 mars 2011 à 12h24, après 38 jours et 16 minutes de mer, le moment est surréaliste pour le marin comme pour les internautes qui ont le bonheur de suivre le mythique passage en direct.

Thomas passe à moins de 200 mètres du fameux "caillou" en compagnie de Neutrogena, le monocoque de Boris Herrmann et Ryan Breymaier, engagé dans la Barcelona World Race. Thomas filme et commente le moment où il enroule le "Cap Dur" pour la 8e fois de sa vie de marin, ce rocher du bout du monde qu'il surnomme affectueusement et avec justesse : le Cap de la Bonne Délivrance. A cet instant, il associe aussi Franck Cammas en liaison "live" également par téléphone. Les deux cap horniers rient ensemble, heureux de se souvenir du "Horn" qu'ils ont partagé l'hiver précédent à bord de Groupama 3 lors de leur Trophée Jules Verne victorieux. Thomas a traversé le Pacifique en 10 jours 16 heures et 49 minutes à la vitesse moyenne de 21,59 noeuds. Le "challenger" a donc été 1 noeud plus rapide que Francis Joyon et n'a perdu que deux petites heures !

Acte V : L'Atlantique, pour le meilleur et pour le pire

* Pain blanc
En bordure d'un anticyclone de Sainte-Hélène beaucoup plus clément qu'à l'aller, Sodebo emmagasine les milles à une cadence TGV au profit d'une route au près le long des côtes d'Amérique du Sud. Le skipper se régale mais ne s'emballe pas. Moins 620 milles le 9 mars 2011, sous la barre des 500 milles le 10, 266 milles le 12 et enfin, ça y est, Sodebo pointe devant son adversaire virtuel le 13 mars. La moisson, résultat d'un boulot de titan, force l'admiration avec la bagatelle de 670 milles gagnés en 5 jours.

* Collision
Cette chevauchée fantastique a été pourtant entachée le 10 mars 2011 par le choc avec un globicéphale qui endommage la crash-box du flotteur tribord. Le coup est doux, mais dur ! Un instant, Tom hurle et croit à la fin de l'aventure mais le diagnostic s'avère rassurant. Ce pare-choc a été envisagé pour ça. Il a très bien fait son travail et le flotteur n'est pas en danger. Son équipe technique et les architectes sont catégoriques : le marin peut poursuivre. Moins de trois jours plus tard, après s'être dégagé d'une méchante dépression orageuse le long du Brésil, Sodebo compte 267 milles d'avance sur Idec et tous les espoirs sont permis !

* Pain noir
La dure réalité rattrape le marin solitaire lancé à la conquête du graal. Les prévisions annoncent une panne de l'alizé sur la fin de l'hémisphère Sud juste avant l'équateur. Une nouvelle « muraille » comme il le décrit, se dresse devant lui. Pourtant, il retarde joliment l'échéance en contournant le problème par l'Ouest. Toujours au près dans un faible vent de Nord-Est, Sodebo ne s'arrête jamais et progresse à plus de 15 noeuds mais ne fait pas route directe.

Le 17 mars 2011, pointé à seulement 15 milles des côtes brésiliennes, le « challenger » repasse en négatif. Encalminé pendant un peu plus de 24h dans du vent erratique de 4 à 6 noeuds, le trimaran retrouve l'hémisphère Nord dimanche 20 mars 2011 au matin, après 49 jours 22 heures 12 minutes et 32 secondes de course.

Thomas a alors 1 jour 19 h et 54 mn d'écart avec Francis Joyon et a parcouru 23 777 milles (19,84 nds de moyenne) depuis Ouessant, soit 1151 milles de plus qu'Idec. Exactement le nombre de milles de retard qu'il avait en passant le Cap de Bonne Espérance, un constat des plus frustrants après tant d'efforts fournis et une trajectoire que les spécialistes admirent. Joli lot de consolation pour le skipper de Sodebo qui s'empare du meilleur chrono entre le Horn et l'équateur en 11 jours 21 heures et 56 minutes soit un peu plus de 16h de mieux qu'Idec en 2008.

* C'est fini
Pour le dernier tronçon du parcours, le timing se retourne contre le chasseur de record. Le coup de pouce souhaité de cette météo si peu conciliante ne vient pas. L'anticyclone barre carrément le chemin vers l'Europe en s'étalant de part et d'autre de l'Océan Atlantique, obligeant Thomas à allonger encore la route, taillant dans le Nord-Ouest quand Francis était monté directement vers les Açores.

Les dépressions traversent très ' trop ' au Nord et la messe est dite. Il n'y aura pas de miracle. Pour sa troisième tentative et son second tour complet en solitaire à bord de Sodebo, Thomas ne pourra pas être à l'heure à Ouessant. Pendant plus de 50 jours, le marin n'a pas démérité, il n'a jamais baissé les bras ni reculé devant une difficulté, quelle qu'elle soit. Comme tous les athlètes, il a passé les caps et surmonté les épreuves les unes après les autres. Il a dessiné avec ses routeurs une route magnifique sur la carte du monde.

* "Majesté, il n'y a pas de second !"
Le 22 août 1851, America, barrée par John Cox Stevens, président du New York Yacht-Club, domine l'armada britannique dans ses eaux, sous les yeux d'une foule compacte venue assister à l'affrontement et en présence de la reine Victoria. A la Reine qui s'inquiète de savoir qui est le second, il est répondu cette phrase restée célèbre : "Majesté, il n'y a pas de second". La réponse à l'occasion du premier défi qui donne naissance à l'America's Cup résume bien l'état d'esprit du sportif et compétiteur de haut niveau qu'est Thomas Coville.

A l'image de l'America's Cup dans un tout autre registre, les records ne récompensent pas le second. La météo décide, les chasseurs de chrono le savent. Ils doivent l'accepter même si la frustration est grande et la déception immense pour Tom et pour Sodebo, toujours aussi fier d'accompagner son skipper dans ses aventures hors du commun.

Car il ne faut jamais oublier que le tour du monde en solitaire sur un multicoque sans escale et sans assistance appartient à un univers difficile à comprendre et à appréhender pour le commun des mortels : celui du sport extrême. Francis Joyon reste à ce jour l'homme le plus rapide à la voile en solitaire autour du monde.

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