Thomas Coville : Jamais cool, toujours fantastique / Nautique
Ce sont les mots de Thomas Coville joint le matin du 21 février 2011 et ils résument bien l'ambiance qui règne depuis deux jours sur le Maxi Trimaran Sodebo engagé dans "un combat quotidien où la maîtrise totale exige une concentration permanente," et alors que le bateau devrait descendre jusqu'à 55 degrés sud avant de pouvoir empanner et faire une route "plus naturelle".
24/24 dans un véritable congélo !
Déjà 23 jours en mer et le skipper qui se dit "vivre au service du bateau et à la disposition des conditions météo", n'a même pas pris le temps de réparer son petit chauffage qui refuse de démarrer.
Hors, dans les contrées éloignées où se trouve Thomas, il faut se dire qu'il fait très, très froid. Là bas, dans ce no man's land glacé, les vents du Sud ne sont pas synonymes de chaleur. Au contraire. Ils viennent tout droit de l'Antarctique.
L'inconfort provoqué par le froid et la mer ronge le physique du marin et entame son moral. "Ces conditions, on ne peut pas s'y habituer. Il faut vivre avec, beaucoup manger et beaucoup boire," raconte't-il comme pour ne pas oublier.
Non-top
Après l'Archipel mal famé des Kerguelen et les images de vents violents et de fortes vagues qui s'y rattachent, Tom a pu lâcher un peu les voiles et accélérer pour retrouver des conditions moins inconfortables que ce près et ce reaching inhabituels dans l'Indien et contre lequel il luttait depuis Bonne Espérance.
"Le vent bouge énormément et c'est très compliqué parce que le pilote fait des embardées." La navigation en multicoque est un art subtil. Les bons réglages permettent d'aller deux fois plus vite et comme le vent change beaucoup, le skipper passe du coup le plus clair de son temps à manoeuvrer. Il choque, il borde, il largue, il reprend, il change de voiles, il prend un ris et cela en fonction de la mer, de la hauteur des vagues et des variations du vent tant en cap qu'en force.
Du Sud encore, jusqu'au 55e, avant de remonter
Sachant que "le meilleur moyen d'en sortir, c'est d'aller vite," Tom est pour le moins motivé. D'ailleurs, dans moins de 20 heures, soit en fin de nuit pour nous, il devrait mettre un peu de Nord dans sa route."Les vents devraient adonner encore et je devrais toucher de l'air plus chaud, des vents d'Ouest-Nord Ouest qui me permettraient d'empanner. Ce sera un bon moment !" confiait-il avec soulagement et sans chercher à dissimuler son impatience d'arrêter de faire du Sud "une route contre nature !"
Effet de Foehn sous le volcan de l'île Heard
Le matin du 21 février 2011, on sentait bien la tension du bord, où le stress était mêlé au plaisir de gagner contre une nature hostile et sauvage : "Une fois que tu as remporté un combat comme celui que j'ai mené hier sans dommage pour le bateau au Sud de l'Ile Heard quand le vent passait sans prévenir de 0 à 45 noeuds dans un effet de Foehn aussi impressionnant que superbe, tu es seul au milieu de rien et tu souris." Cette victoire supplémentaire alors que Sodebo n'est pas encore à la moitié d'un parcours long de 14 000 milles est "une jubilation dans les détails que tu construis au quotidien où l'erreur ne pardonne pas."
Deux morceaux de glaces le matin du 21 février 2011
Car là où Tom est positionné, on ne joue pas. Ce que rencontre ces marins de l'impossible reste gravés dans leur mémoire. "La puissance de la nature à ces latitudes Sud est proche de la science fiction. La glace a une dimension extranaturelle," poursuivait le marin solitaire qui a repéré à l'oeil nu deux petits morceaux de glace de 20 ou 30 mètres qu'il ne voyait pas sur le radar : "C'est comme une vague qui se répète toujours au même endroit. Comme si l'écume ne bougeait pas !"
Sodebo devrait atteindre, mercredi 23 février 2011, le Cap Leeuwin et quitter l'Indien pour la grande traversée du Pacifique et le Cap Horn.